Il y a un peu plus d'un mois, l'attention du monde entier était tournée vers Bakou, en Azerbaïdjan, à l'occasion de la COP29, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Josianne Gauthier, Secrétaire général de la CIDSE, revient sur ce qui s'est passé et réfléchit au rôle joué par les organisations confessionnelles et les acteurs catholiques.

Avant de se rendre à Bakou, un certain nombre d’organisations (de la société civile) ont dû faire face à un dilemme essentiel : sommes-nous prêts à participer à ce forum climatique dans un lieu associé à l’exploitation pétrolière massive, à la répression sanglante historique et encore récente de la minorité arménienne, et qui a déclaré lors de sa cérémonie d’ouverture que les énergies fossiles sont un « don de Dieu » ? Ces questions éthiques et morales déjà difficiles, ajoutées à l’urgence de la crise climatique, posent un défi profond. Comment concilier l’urgence du changement climatique et l’importance d’occuper le plus d’espace possible avec les contradictions souvent très douloureuses de ce processus ?
Ces questions étaient (et sont) d’autant plus pressantes et préoccupantes pour les organisations confessionnelles. Nombre d’entre nous ont fait le choix déchirant de nous y rendre, venant de confessions différentes, de régions du monde différentes, poursuivant des problématiques différentes, spécifiques et techniques liées aux négociations climatiques. Ces organisations représentent souvent les communautés les plus vulnérables et les groupes marginalisés de leurs pays respectifs, qui n’ont pas accès aux espaces de décision et ne sont pas en mesure d’influencer les décisions politiques qui affectent directement leur vie. Ce sont ces communautés qui subissent actuellement les pires conséquences de notre inaction collective face à l’urgence climatique et qui pourtant ont le moins contribué à alimenter cette crise.
Les organisations confessionnelles sont venues à la COP29 pour témoigner, exprimer leur solidarité, conseiller et exhorter les décideurs et les négociateurs à prendre en compte les impacts du changement climatique sur les groupes et les communautés exclus, et à répondre à cette urgence avec courage, responsabilité, transparence et ambition. Elles cherchent à mettre la vie au centre des prises de décision – la vie humaine, mais aussi la biodiversité et la vie de la planète entière. Comme l’a si bien dit l’évêque anglican de Panama, Sa Grâce Julio Murray, « nous avons un ministère de présence ».

Le thème clé de cette dernière COP a été la finance, en raison de l’enjeu central des ressources nécessaires pour lutter contre les pires effets du changement climatique, pour aider les communautés vulnérables à se préparer et à s’adapter, mais aussi pour assurer le transfert de compétences, d’expertise et d’outils. Enfin, parce qu’il est malheureusement déjà trop tard pour parler uniquement de prévention, et que les pires dommages se mesurent déjà en termes de pertes humaines et de biodiversité, mais aussi de pertes de territoires, d’écosystèmes, d’identité culturelle et de moyens de subsistance.
Un financement climatique efficace doit donc également tenir compte des pertes et dommages déjà subis. Dans ce contexte, nous devons reconnaître que les pays pauvres sont accablés par des dettes nationales contractées auprès de pays riches et puissants, souvent d'anciens colonisateurs, ainsi que par des banques privées et d'autres institutions financières, et nous devons considérer qu'ils ne peuvent pas se permettre de payer encore plus d'intérêts sur des prêts destinés à atténuer les effets d'une crise dont ils sont les moins responsables au départ.

Les organisations confessionnelles ont exigé que les engagements financiers pris lors de la COP29 ne prennent pas la forme de prêts supplémentaires, qui ne font que pousser les pays vulnérables au climat dans une spirale toujours plus profonde d’endettement et de fragilité, mais que ces fonds soient fournis sous forme de subventions, car il s’agit d’une question de justice, d’équité et de responsabilité des pays qui sont les plus grands pollueurs et consommateurs.
Et parmi toutes ces personnes d’horizons et de confessions différentes, qu’en est-il de la présence des catholiques ? Quelle est notre contribution à ce groupe d’experts, de conseillers et d’activistes pour la justice ? Nous avons le don de l’enseignement social de l’Église et des paroles du pape François pour nous guider et nous appeler à l’action pour la défense de la Création et de notre maison commune. Nous offrons aussi notre cœur et nous projetons haut et fort nos voix pour la solidarité et la justice, en nous joignant au chœur des autres acteurs religieux présents, ainsi qu’à toutes les organisations venues du monde entier pour partager les messages et les cris de la terre et des marginalisés. Mais nous avons aussi la responsabilité, liée à notre foi, de répondre à l’appel à mobiliser notre Église.
Depuis quelques années, les organisations catholiques présentes aux conférences climatiques de l’ONU se préparent ensemble dans les mois qui précèdent les COP, coordonnent leurs messages, se soutiennent mutuellement et organisent un dialogue avec la délégation du Saint-Siège pour partager les points de plaidoyer considérés comme les plus urgents. En effet, maintenant que le Vatican a ratifié l’Accord de Paris, l’Église catholique et toutes les organisations catholiques présentes peuvent jouer un rôle encore plus important dans ces négociations, en travaillant ensemble pour renforcer et amplifier la voix des catholiques du monde entier, tout en soutenant les efforts du Saint-Siège en tant que signataire et partie officielle.

Rencontre avec la délégation du Saint-Siège et les acteurs catholiques à la COP29. Crédit : CIDSE.
Dans le discours du pape François, prononcé par le cardinal secrétaire d'État Pietro Parolin, lors de la déclaration d'ouverture du Saint-Siège à la COP29, l'Église catholique a appelé les parties réunies à agir avec courage et ambition, à proposer des engagements visibles et des solutions concrètes pour un avenir juste pour toute la planète, car «l'indifférence est une complicité avec l'injustice" .
Enfin, face aux obstacles bien visibles et aux craintes et angoisses liées à cette rencontre, nous n’avons pas le droit de perdre espoir, non par ignorance ou aveuglement volontaire, mais au contraire par lucidité et fidélité à notre engagement. Nous étions là pour témoigner, pour être présents et pour ouvrir la voie ensemble.
Même si les résultats de la COP29 ont été difficiles (et encore insuffisants), nous avons encore une chance de travailler ensemble et de changer le cours de nos actions, en exhortant les pays développés à assumer leurs responsabilités et à s’engager à lutter contre la crise climatique. Cela exigera un effort collectif, c’est pourquoi la COP30, qui se tiendra au Brésil en 2025, représente un enjeu important pour les acteurs catholiques.
La COP30 nécessitera un programme ancré dans un changement systémique, car les progrès progressifs ne suffisent plus. Les acteurs catholiques et religieux qui luttent pour notre maison commune doivent s’unir pour remettre en question les systèmes de pouvoir et œuvrer collectivement à des résultats qui répondent aux besoins des plus vulnérables et protègent la planète. Des voix et des perspectives diverses doivent être amenées à la table des négociations pour assurer la représentation de tous.
Mais nos efforts collectifs doivent aller au-delà des conférences sur le climat, comme la COP30 ou d’autres forums internationaux. L’impact réel de notre travail doit s’étendre aux communautés locales, où les effets de la crise climatique se font le plus sentir. C’est là que les principes de justice, d’équité et de protection de la création doivent prendre racine. En associant le plaidoyer mondial à l’action populaire, nous pouvons garantir que notre mission de changement systémique incarne véritablement les valeurs que nous défendons.
Ensemble, nous portons une voix morale nécessaire en cette période de peur, d’incertitude et de doute, et nous avons la responsabilité de rappeler aux décideurs leurs engagements. Nous nous sommes engagés à protéger le climat dans l’Accord de Paris, mais aussi à préserver la vie sous toutes ses formes grâce au Cadre mondial pour la biodiversité, et à lutter contre la désertification alors que nos limites planétaires sont repoussées à leurs limites. Nous avons une responsabilité envers les générations futures à qui nous avons emprunté cette Terre, et nous devons continuer à œuvrer pour la justice, la paix, l’équité et l’intégrité de tous les peuples, dans nos paroles et dans nos actes.
Lecture complémentaire
- »La CIDSE à la COP29 : concilier ambition et action pour la justice climatique', Vatican News, 4 novembre 2024.
- »Les responsables catholiques estiment que l'objectif de financement climatique de 300 milliards de dollars fixé pour la COP29 est insuffisant', Earthbeat, 24 novembre 2024.
- »La COP29 a été « un pas timide » vers la justice climatique, selon les militants catholiques', La Tablette, 28 novembre 2024.
Voir aussi: Activités de la CIDSE à la COP29.
Image de couverture : Rencontre des acteurs catholiques lors de la première semaine de la COP29 dans la Zone Bleue. Crédit: CIDSE.