Fratelli Tutti - La politique comme acte d'amour et de courage - CIDSE

Fratelli Tutti - La politique comme acte d'amour et de courage

Josianne Gauthier, secrétaire générale de la CIDSE.
Cet article a été publié à l'origine sur le site web du Vatican "Fratelli Tutti".

« Reconnaître chaque être humain comme un frère ou une sœur et chercher une amitié sociale qui intègre tout le monde ne sont pas de simples utopies. Cela exige la décision et la capacité de trouver les voies efficaces qui les rendent réellement possibles. » (FT.180)

En général, on ne considère pas la politique comme un acte de charité ou d'amour. La politique sous ses nombreuses formes a souvent été réduite à un rang inférieur et associée à la cupidité, la domination, l'exploitation et la corruption. Et pourtant, dans sa dernière Lettre encyclique, le Pape François nous met tous au défi de retrouver la noblesse de l'acte politique: assumer la responsabilité, en tant que membres d'une seule famille humaine, du bien-être de tous.

Il partage avec nous cette réflexion sur nos responsabilités les uns envers les autres et envers la Création au beau milieu de la deuxième vague de la pandémie mondiale. C'est aussi la période où les chrétiens s’apprêtent à célébrer l'Avent, un temps de préparation, d'attente et de vigilance. Dans l'hémisphère nord, ce sont les jours les plus sombres de l’année et la lumière de Noël nous aide à rester concentrés et à ne pas sombrer. Dans un contexte de pandémie mondiale, dans un climat de grande incertitude et de peur, alors que les déplacements et les contacts sont limités, il est tentant de fermer les yeux et d'attendre que la tempête passe. Mais ce n'est pas ainsi que nous sortirons de cette crise pour atteindre un monde meilleur. Frères tous nous appelle à trouver une impulsion dans notre amour. De notre compassion pour les souffrances causées par les tempêtes doit naître la solidarité et le courage de défendre le bien commun.

Pendant la pandémie du Covid-19, le Pape François a poursuivi sa réflexion sur les questions d’interdépendance, ainsi que sur la relation entre nos excès, notre individualisme, notre nationalisme et la souffrance qui nous entoure. Frères tous nous rappelle brutalement, qu'aucun d'entre nous ne sera en sécurité, si nous ne le sommes pas tous. Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons guérir ce monde blessé, ce n'est qu'en nous convertissant à une culture de soins pour les autres, de responsabilité, d'écoute, que nous sortirons plus forts de cette crise.

Lettre encyclique précédente du pape François, Laudato Si ' , la précédente lettre encyclique, parlait également d'interconnexion et de responsabilité. Elle montrait comment les modes de vie occidentaux menaçaient toutes les formes de vie sur cette planète alors que nous continuons à repousser les frontières planétaires. Il y a un an, le Pape François a convoqué un synode sur l'Amazonie pour débattre de la façon dont la consommation néocoloniale des ressources de l'Amazonie était en train de détruire les cultures, les espèces et les vies humaines dans cette partie du monde. Dans cette maison qui nous est commune, le pouvoir et les ressources sont inégalement répartis, et certaines voix n'ont pas encore été entendues. Lors du Synode de l'Amazonie, le Pape a invité la communauté catholique à s’ouvrir aux perspectives et aux savoirs que les peuples autochtones peuvent partager avec nous, afin de préserver notre planète, notre maison, et par conséquent, nous-mêmes.

Pour un réseau d'organisations catholiques œuvrant pour la justice sociale tel que la CIDSE, Frères tous nous appelle à être audacieux, à désigner les nuages qui pèsent sur nous tous, à reconnaître nos responsabilités, même quand cela nous est inconfortable et que nous sommes fatigués et découragés. C'est à ce moment précis que nous devons être solidaires et puiser dans notre foi. En nous appuyant sur Laudato Si ' et Evangelii Gaudiumainsi que sur l’enseignement de la doctrine sociale catholique, nous citons les symptômes de notre monde blessé et comment nous devons les traiter. Nous avons un modèle de croissance économique extractif et colonialiste, qui produit une culture de consommation inégale et de discrimination et qui entraîne une dégradation écologique et humaine extrême. Nous sommes rappelés à la façon dont nous traitons la terre et à notre comportement les uns envers les autres. Frères tous nous exhorte à prendre des décisions pour le « bien commun universel », en nous rapprochant toujours plus de notre responsabilité dans la façon dont nous agissons avec « notre prochain ». Une politique saine transformerait notre économie en une « économie intégrée dans un projet politique, social, culturel et populaire. »

Nous avons assisté ces dix dernières années à une montée de la méfiance à l'égard des institutions démocratiques et multilatérales. Le Pape François nous met au défi de sortir de nos tendances dangereuses à construire des murs, à l'autoprotection, au nationalisme et à l'isolationnisme. En parlant de l'importance de respecter les engagements collectifs et multilatéraux et de coopérer entre les nations, le Pape nous rappelle que : « il faut du courage et de la générosité pour établir librement certains objectifs communs et assurer le respect dans le monde entier de certaines normes fondamentales. » (FT.174). Il appelle les institutions multilatérales, les dirigeants politiques, les gouvernements, mais aussi les individus à former un nouveau type de communauté humaine.

Tous les nuages ne peuvent être dissipés que si nous les chassons, si nous trouvons en nous la force de les dénoncer et d'exiger un changement politique. Nous pouvons et devons nous attaquer aux transgressions dont nous sommes témoins. Nous devons prendre nos propres responsabilités mais aussi appeler nos dirigeants politiques à agir dans l'intérêt du bien commun et la poursuite de la paix.

Le Pape François nous invite à espérer, « L'espérance est audace » nous dit-il, et à nous laisser ouvrir au monde qui nous entoure, car c'est dans la richesse de notre diversité et la multitude des voix et des idées que nous pourrons bâtir la paix. Nous pouvons agir sur nos responsabilités politiques pour créer un espace permettant aux voix marginalisées de se faire entendre, et nous laisser transformer par leurs messages.  

Alors que nous méditons en cette période de deuxième vague du Covid-194 et de l’Avent, nous revenons à l'idée d'aimer, de prendre soin des autres, de fraternité, de solidarité et d'espérance. « En politique il est aussi possible d’aimer avec tendresse. » (FT.XNUMX). Nous comprenons que ce message ne s'adresse pas seulement aux dirigeants politiques, mais à nous tous, pour nous mettre au défi de devenir des acteurs politiques et de diriger avec notre cœur.

FIN

Photo de couverture: Josianne Gauthier - Crédit: Kerknet

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