La justice climatique et les pauvres: donner un sens à Paris - CIDSE
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Justice climatique et les pauvres: donner un sens à Paris

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Oswald Gracias exhorte l'UE à prendre de réels engagements politiques après la COP 21 et avant plusieurs réunions importantes de l'UE afin de garantir l'avenir des populations les plus vulnérables de notre planète.

 

 

 

Oswald Gracias est l'archevêque de Bombay et président de la Conférence nationale des évêques catholiques de l'Inde. Il est également l'un des conseillers de confiance du pape.

Il y a à peine deux mois, les dirigeants mondiaux ont signé à Paris un accord historique sur le climat qui faisait naître l'espoir d'un abandon mondial des combustibles fossiles et d'un avenir où les populations vulnérables n'auraient pas à vivre dans l'ombre des menaces environnementales. Pour la première fois de l'histoire, tous les pays ont accepté de jouer leur rôle pour maintenir les augmentations de la température mondiale en dessous de 1.5, une étape essentielle pour la protection des moyens de subsistance et l'existence même de nombreuses populations vivant dans des zones extrêmement vulnérables au changement climatique.

Mais les longues et houleuses négociations à Paris pourraient s’avérer être la partie la plus facile. Ce n'est que lorsque les projecteurs se détournent et que les dirigeants rentrent chez eux que nous découvrons si leurs engagements sont réels ou simplement une façade. Les politiciens sont-ils prêts à faire face aux intérêts personnels et à tracer une nouvelle voie pour des politiques climatiques radicales? Sommes-nous prêts à passer du discours de la solidarité à celui d'agir de bonne foi avec nos concitoyens, en particulier ceux qui font face aux menaces les plus immédiates du changement climatique?

À l'instar de ces Britanniques qui ont récemment connu de graves inondations, les Indiens connaissent le prix à payer pour l'incapacité du monde à lutter contre le changement climatique. Les communautés d'agriculteurs sont de plus en plus vulnérables aux fortes précipitations et aux inondations qui menacent de décimer leurs cultures et leurs moyens de subsistance. Les risques pèsent lourd, menaçant de compromettre les progrès lents mais réguliers que des pays comme l'Inde réalisent pour réduire la pauvreté et offrir une vie digne à leurs citoyens.

Les pays en développement comme l’Inde sont bien conscients de leur responsabilité de négocier une voie plus propre de croissance et de développement. En effet, l’effet «Paris» est déjà visible dans de nombreux pays. La Chine a récemment annoncé l’instauration d’un moratoire sur les nouveaux projets de mines de charbon et le Vietnam s’est engagé à renoncer au charbon. Mais sans engagements sérieux d’autres grands émetteurs comme l’UE, ces efforts seront vains. L'UE a la responsabilité morale de faire preuve du même leadership dans la mise en œuvre de l'accord de Paris que dans la réalisation de cet accord. La crise climatique n’a pas été résolue à Paris: le COP 21 n’était qu’un pas dans la bonne direction.

Inspirés par la courageuse encyclique du pape Laudato Si ', des dirigeants religieux du monde entier se sont réunis avant la COP 21 pour appeler les dirigeants mondiaux à conclure un accord véritablement transformationnel sur le climat, mettant le bien commun avant les intérêts nationaux et protégeant la Terre - notre maison commune - et tous ses habitants. Faisant écho aux propos du pape François et appuyés par les réseaux catholiques CIDSE et Caritas Internationalis, nous avons plaidé en faveur d'un accord qui limiterait la hausse de la température mondiale pour éviter des impacts climatiques catastrophiques, en particulier sur les communautés les plus vulnérables. Un accord a maintenant été signé, mais les leaders religieux, les groupes de la société civile et de nombreux autres partisans de l'action pour le climat n'ont pas l'intention de détourner notre attention.

L'UE doit faire face au premier véritable test de détermination ce vendredi (4 March) alors que les ministres européens de l'Environnement se réunissent pour débattre des implications de la COP 21 sur les décisions politiques du continent. Ces ministres, ainsi que les chefs d'État présents au Conseil européen deux semaines plus tard, peuvent et doivent tirer parti de l'élan qu'ils ont contribué à créer à Paris en reconnaissant qu'il est nécessaire de recalibrer les objectifs de l'UE en matière de lutte contre le changement climatique pour respecter la température globale monte à 1.5 ° C. Ils doivent revoir les politiques de l'UE en matière de climat et d'énergie et s'engager à aller au-delà des réductions 40 (%) des émissions nationales de gaz à effet de serre convenues antérieurement. Le souhait du commissaire Cañete de relever l'objectif européen en matière d'efficacité énergétique au-dessus de 30% et sa volonté d'explorer les possibilités de renforcer l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du 2050 fixé par le bloc à 90-95% doivent être salués, mais il faut s'y engager en termes non équivoques les chefs d’État eux-mêmes en mars.

Des voies financières et fiscales ambitieuses et équitables sont également essentielles pour que l'UE aille au-delà de ses engagements existants et garantisse la justice climatique pour les pays en développement. La levée de fonds publics internationaux supplémentaires pour le climat en faveur de l'adaptation et des sources d'énergie renouvelables dans des pays comme l'Inde, et la suppression progressive des subventions de l'UE aux combustibles fossiles devraient être considérées comme une priorité. En se rappelant qu'elle devra présenter ses progrès à l'échelle internationale au bilan mondial prévu pour 2018 lors de la COP 21, l'UE doit ratifier l'accord de Paris dès que possible et montrer que la période précédant 2020 est une réalité. et une fenêtre politique urgente pour l'action.

J'espère que les paroles visionnaires du pape François à Laudato Si 'continuent de guider les politiques climatiques européennes, inspirant l'action politique visant à protéger les citoyens du monde dont l'avenir est le plus menacé par le changement climatique. À travers ses engagements à Paris, l'UE a donné de l'espoir aux personnes les plus vulnérables du monde. à présent, l'Europe doit assumer sa responsabilité morale et donner sens aux paroles du texte de Paris.

Cet article a été publié pour la première fois en Euractiv.

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